28 déc. 2008

14 déc. 2008

5 déc. 2008

la belladone

Rainer Maria Rilke, Le livre de la pauvreté et de la mort, premiers vers, durs...
(traduction de Arthur Adamov, 1940)


Je suis peut-être enfoui au sein des montagnes
solitaire comme une veine de métal pur ;
je suis perdu dans un abîme illimité,
dans une nuit profonde et sans horizon.
Tout vient à moi, m’enserre et se fait pierre.

Je ne sais pas encore souffrir comme il faudrait,
et cette grande nuit me fait peur ;
mais si c’est là ta nuit, qu’elle me soit pesante, qu’elle m’écrase,
que toute ta main soit sur moi,
et que je me perde en toi dans un cri.


Toi, mont, seul immuable dans le chaos des montagnes,
pente sans refuge, sommet sans nom,
neige éternelle qui fait pâlir les étoiles,
toi qui portes à tes flancs de grandes vallées
où l’âme de la terre s’exhale en odeurs de fleurs.

Me suis-je enfin perdu en toi,
uni au basalte comme un métal inconnu ?
Plein de vénération, je me confonds à ta roche,
et partout je me heurte à ta dureté.

Ou bien est-ce l’angoisse qui m’étreint,
l’angoisse profonde des trop grandes villes,
où tu m’as enfoncé jusqu’au cou ?

Ah, si seulement un homme pouvait dire
toute leur insanité et toute leur horreur,
aussitôt tu te lèverais, première tempête du monde,
et les chasserais devant toi comme de la poussière…

Mais si tu veux que ce soit moi qui parle,
je ne le pourrai pas, car je ne comprends rien ;
et ma bouche, comme une blessure, ne demande qu’à se fermer,
et mes mains sont collées à mes côtés comme des chiens
qui restent sourds à tout appel.

Et pourtant, une fois, tu me feras parler.

la mort et son sablier

douceatres